L’augmentation des vols de voitures fait payer la facture à tous les conducteurs
En octobre, moins de trois semaines après que Pamela Rice a reçu son véhicule utilitaire sport Toyota Highlander Platinum 2022, celui-ci a été volé dans son allée à Toronto. Ce n’était pas la première fois que cela arrivait. Sa précédente Toyota, une Highlander 2019, avait également été volée en 2020. Heureusement, dans ce cas, elle a pu la récupérer en une semaine, et aucune accusation n’a été portée. Cependant, cette fois-ci, l’emplacement de son véhicule a été localisé à Brampton, en Ontario, grâce à une application sur son téléphone.
Les vols d’automobiles sont de plus en plus fréquents au Canada, et Pamela Rice n’est qu’une des nombreuses Canadiennes touchées par ce phénomène. Selon Statistique Canada, 83 288 vols de véhicules ont été enregistrés en 2021, contre 78 198 en 2020. Les données pour 2022 ne seront pas disponibles avant juillet 2023. Malgré l’aggravation du problème, le nombre d’accusations liées au vol de véhicules a en fait diminué, avec 5 072 accusations en 2021 contre 5 532 en 2020.
Bryan Gast, vice-président des services d’enquête de l’association Équité, une association sans but lucratif de compagnies d’assurance qui s’efforcent de détecter et de prévenir la fraude à l’assurance, a déclaré :
« La situation s’aggrave parce que les groupes criminels organisés trouvent qu’il est très lucratif [de voler des voitures]. Le rapport risque/récompense est en leur faveur. S’ils se font prendre, la peine n’est pas très lourde ».
L’augmentation des vols de voitures a commencé pendant la pandémie en raison d’une diminution de la production de nouveaux véhicules et d’une pénurie de fournitures essentielles telles que les puces informatiques. Cette situation a entraîné une hausse des prix des voitures neuves et d’occasion, ce qui a incité les criminels à voler des véhicules.
Selon M. Gast, c’est en Ontario et au Québec que l’on enregistre le plus grand nombre de vols de voitures. Cela s’explique par la forte concentration de véhicules de valeur en Ontario et par la situation du port de Montréal.
Le maire de Brampton, Patrick Brown, a récemment demandé à Ottawa de rappeler les voitures les plus fréquemment volées, en confiant aux constructeurs automobiles la responsabilité de rendre les serrures sans clé et les allumages plus difficiles à voler. M. Brown a qualifié la situation de « crise » au Canada. Les statistiques publiées par son bureau indiquent que depuis 2019, les vols ont augmenté de 97 % dans la région de Peel (où se trouve Brampton), de 80 % à Toronto, de 134 % dans la région de York et de 120 % à Montréal.
« Nous ne pouvons pas accepter que le vol de voitures soit un mode de vie dans les grandes villes du Canada », a déclaré le maire. « Les organisations criminelles ont utilisé les nouvelles technologies pour rendre le vol de voitures plus facile que jamais. »
Selon une déclaration faite au Globe and Mail par Audrey Champoux, porte-parole du ministre de la Sécurité publique Marco Mendicino, le ministre a rencontré M. Brown et l’a assuré que le gouvernement continuera à collaborer avec tous les organismes pour lutter contre les crimes graves tels que le vol de voitures. Récemment, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et la police régionale de York ont récupéré 64 véhicules volés, d’une valeur de 3,5 millions de dollars, qui avaient été expédiés illégalement à Malte depuis la région du Grand Toronto.
Selon Nadine Ramadan, porte-parole du ministre des transports Omar Alghabra, le ministère des transports ne peut rappeler des véhicules en vertu de la loi sur la sécurité des véhicules à moteur que s’ils présentent un risque immédiat pour les usagers de la route. Elle a expliqué que le ministre avait récemment visité les installations de l’ASFC dans la région du Grand Toronto et à Montréal pour observer les mesures prises pour lutter contre le vol de voitures. La ministre rencontrera également les constructeurs automobiles pour discuter du problème.
Technologies de vol de voitures
Des technologies sophistiquées sont utilisées par les criminels pour voler des véhicules, en particulier les nouveaux modèles dotés de démarrages à bouton-poussoir. Les méthodes les plus courantes utilisées par les criminels sont la reprogrammation des porte-clés et les « attaques par relais ». Les criminels utilisent d’abord le port de diagnostic embarqué pour reprogrammer le porte-clés. Ce port est situé sous le volant et est destiné aux mécaniciens pour identifier un problème sur le véhicule. Cependant, les criminels se sont procuré des outils et des appareils électroniques qui se branchent sur le même port, contournant ainsi les systèmes de sécurité, pour reprogrammer la télécommande et démarrer la voiture.
Un criminel peut utiliser une attaque par relais en se plaçant devant le domicile d’une personne et en utilisant un dispositif qui étend la portée de la fréquence radio entre le porte-clés et le véhicule. Le véhicule croit ainsi que le porte-clés est plus proche qu’il ne l’est. Pour lutter contre ce phénomène, le conseil municipal de Brampton a récemment approuvé un programme qui fournira gratuitement des sacs Faraday aux habitants de certains quartiers.
Ces petites pochettes, qui bloquent les signaux sans fil, peuvent être utilisées pour stocker des porte-clés et empêcher les criminels d’intercepter le signal. Toutefois, le maire Brown estime qu’il ne s’agit là que d’une solution temporaire et que l’industrie doit procéder à des ajustements pour résoudre le problème.
Selon David Adams, président de Global Automakers of Canada, les principaux constructeurs automobiles d’Europe, du Japon et de Corée du Sud sont conscients du problème du vol et cherchent constamment des moyens d’améliorer leurs systèmes antivol. Cependant, il admet que c’est un défi permanent pour eux de rester en tête du jeu parce que les voleurs sont très avancés. Il ajoute que les concessionnaires et les constructeurs cherchent à satisfaire leurs clients et ne veulent pas voir leurs voitures volées, car cela pourrait conduire les clients à attendre un nouveau véhicule pendant une période prolongée.
Michael Bouliane, responsable de la communication d’entreprise chez Toyota Canada, partage la même préoccupation. Il a déclaré que l’entreprise était très préoccupée par l’impact du vol sur ses clients canadiens et qu’elle prenait ce problème très au sérieux. Malheureusement, en ce qui concerne le vol de voitures dans l’ensemble de l’industrie, la demande accrue pour certains véhicules sur les marchés étrangers fait que les voleurs au Canada s’intéressent davantage à ces véhicules
Le Toyota Highlander est le cinquième véhicule le plus volé au Canada, selon le dernier palmarès de l’Association Équité. Le Honda CR-V, le Lexus RX, le Ford F-150 et la Honda Civic devancent le Highlander, tandis que le Ram 1500, le Chevrolet Silverado/GMC Sierra, la Honda Accord, le Jeep Grand Cherokee et le Toyota RAV4 figurent également sur la liste.
Le vol de voiture est-il un crime sans victime ?
Selon M. Gast, le vol de voitures n’est pas un crime sans victime, c’est un crime organisé. Les voitures volées ne sont pas seulement vendues par des réseaux criminels pour générer des revenus, mais sont également utilisées dans le cadre de diverses activités criminelles telles que le trafic de stupéfiants, le trafic d’armes, le trafic d’êtres humains et le terrorisme international. Il a cité les recherches d’Interpol à l’appui de son affirmation.
Outre l’augmentation des primes d’assurance pour les consommateurs, le vol de véhicules coûtera aux compagnies d’assurance canadiennes 700 millions de dollars en 2021, selon M. Gast.
Selon une analyse du Bureau d’assurance du Canada basée sur les données de l’industrie, les réclamations pour vol en Ontario ont augmenté de 31 %, passant de 12 073 en 2020 à 15 825 en 2021, tandis que la valeur des réclamations pour vol a augmenté de 59 %, passant de 254 millions de dollars à 405 millions de dollars.
Brett Weltman, directeur des relations avec les médias au Bureau d’assurance du Canada, a déclaré que l’activité criminelle et la fraude ne sont que l’un des facteurs qui influent sur le coût global des sinistres pour les consommateurs d’assurance automobile de l’Ontario. Toutefois, il a assuré que les assureurs ne pénalisent pas les conducteurs individuels qui sont victimes de vols de voitures ou d’autres formes de fraude, et que le coût de ces activités criminelles est supporté par tous les clients de l’assurance automobile en Ontario.
Selon le rapport annuel du vérificateur général de l’Ontario, les primes moyennes d’assurance automobile ont augmenté de 14 % entre 2017 et 2021, pour atteindre 1 642 dollars. Pour protéger son Toyota Highlander contre le vol, Mme Rice a pris de multiples mesures, comme l’installation d’une caméra de sécurité à son domicile, l’utilisation du dispositif de blocage du volant Club et des roues, et le stockage de son porte-clés dans un conteneur métallique à l’arrière de sa maison. Elle a renoncé à installer un dispositif antivol tel qu’un « kill switch » caché, car elle craignait que cela n’annule sa garantie.
« Le coupe-circuit fonctionne, mais je vous garantis que si vous installez un coupe-circuit dans votre voiture et que celle-ci est remorquée chez le concessionnaire en raison d’un problème informatique, le concessionnaire accusera ce dispositif », prévient Lou Trottier, collaborateur de Globe Drive et propriétaire-exploitant de All About Imports à Mississauga. « Tant que votre voiture est sous garantie, vous courez un risque chaque fois que vous manipulez le système électrique de votre voiture. »
Selon M. Trottier, il faut en moyenne sept minutes à un voleur pour pénétrer dans votre véhicule et reprogrammer une clé factice.
« Je ne crois pas qu’il y ait quoi que ce soit qui puisse les arrêter. Quiconque veut une voiture à tout prix l’obtiendra. Il faut simplement chercher à les ralentir ».
M. Trottier pense également que les mesures dissuasives contre le vol de voitures doivent être mises en place par les fabricants pour être réellement efficaces.
« On ne devrait pas pouvoir accéder à des informations clés par le biais d’un outil que l’on peut acheter sur l’internet. Le constructeur doit modifier la façon dont ces informations sont diffusées et protégées. Il doit mettre en place une sorte d’interrupteur d’arrêt ».